Pluralité de délais :
Le législateur a entendu soumettre le contentieux relatif au séjour et à l’éloignement à des règles de procédures spécifiques marquées par le signe de la rapidité et, le cas échéant, de l’urgence. A ce jour, on distingue trois délais distincts en fonction de la nature de la décision, de l’existence d’un délai de départ volontaire ou de la mise en oeuvre d’une mesure de surveillance. Ces délais de recours peuvent être de trente jours, quinze jours ou quarante-huit heures selon les cas.
DELAI DE RECOURS EN PRESENCE D’UN DELAI DE DEPART VOLONTAIRE :
1) OQTF fondées sur les 3°, 5°, 7° et 8° de l’article L. 511-1 : trente jours.
L’article L. 512-1, I fixe le délai de recours à trente jours suivant la notification de la décision lorsque celle-ci est fondée sur les 3°, 5°, 7° et 8° du Ceseda, soit dans les cas suivants :
• la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour a été refusé à l’étranger ou le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (C. étrangers, art. L. 511-1, I, 3°) ;
• le récépissé de la demande de carte de séjour ou l’autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l’étranger lui a été retiré ou le renouvellement de ces documents lui a été refusé (C. étrangers, art. L. 511-1, I, 5°) ;
• le comportement de l’étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l’ordre public (C. étrangers, art. L. 511-1, I, 7°) ;
• l’étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu l’article L. 5221-5 du code du travail (C. étrangers, art. L. 511-1, I, 8°).
Ce délai est rappelé par l’article R. 776-2 du code de justice administrative.
Il est réduit à quarante-huit heures lorsque le préfet décide de supprimer ce délai de départ volontaire avant qu’il n’arrive à échéance (C. just. adm., art. R. 776-2, al. 3).
Le recours doit être impérativement présenté dans un délai de trente jours à compter de la notification des décisions (C. just. adm., art. R. 776-2).
Comme tout délai de procédure, c’est un délai franc qui ne se confond pas avec un délai d’un mois (CAA Versailles, 6e ch., 22 janv. 2015, n° 14VE02440).
Lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il y a lieu, par application de l’article 642 du code de procédure civile, d’admettre la recevabilité du recours présenté le premier jour ouvrable suivant (CAA Versailles, 1re ch., 7 juin 2011, n° 10VE01191).
Lorsqu’elle est faite de manière administrative, la notification à une heure non précisée est regardée comme faisant courir le délai à partir du lendemain à zéro heure (CE, 30 juill. 1997, n° 185439).
2) OQTF fondées sur le< s 1°, > 2°, 4° et 6° de l’article L. 511-1 : quinze jours
Le I bis du I de l’article L. 511-1 du Ceseda fixe le délai de recours à quinze jours contre les obligations de quitter le territoire fondées sur les 1°, 2°, 4° et 6°. Ces OQTF concernent l’étranger :
• qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité (C. étrangers, art. L. 511-1, I, 1°) ;
• qui s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d’un premier titre de séjour régulièrement délivré (C. étrangers, art. L. 511-1, I, 2°) ;
• qui n’a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou pluriannuel et s’est maintenu sur le territoire français à l’expiration de ce titre (C. étrangers, art. L. 511-1, I, 4°)
• auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l’article L. 743-2, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité (C. étrangers, art. L.511-1, I, 6).
Ce même délai est opposable à l’étranger, demandeur d’asile non admis à se maintenir sur le territoire, qui entend demander la suspension de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire pendant la durée couvrant le délai de recours devant la CNDA ou, le cas échéant, jusqu’à ce que la Cour statue sur son recours (C. étrangers, art. L. 743-3C. just. adm., art. L. 776-2, I).
Ce délai ne peut être prorogé en aucun cas. Cela signifie d’abord que si le délai expire un samedi, un dimanche, un jour férié ou un jour chômé, il n’est pas prorogé au premier jour ouvrable suivant.
Ce délai rappelé par l’article R. 776-2, I, alinéa 2 du code de justice administrative n’est pas non plus prorogé par le dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle.
Le Conseil d’État a jugé que cette règle de non-prorogation du délai de recours n’est pas contraire au droit à un recours effectif (CE, 16 août 2018, n° 406424).
Il est réduit à quarante-huit heures lorsque, durant le délai de départ volontaire, le préfet notifie une décision de suppression de délai de départ volontaire (C. just. adm., art. R. 776-2, al. 3).
DELAIS DE RECOURS EN L’ABSENCE DE DELAI DE DEPART VOLONTAIRE
1) OQTF non assorties d’un délai de départ volontaire : quarante-huit heures non prorogeables
Le II de l’article L. 512-1 du Ceseda dispose que l’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire dispose d’un délai de quarante-huit heures pour contester cette décision. Ce délai est rappelé à l’article R. 776-2, II du code de justice administrative.
Si, par erreur, l’OQTF sans délai ou la décision retirant le délai de départ volontaire a été notifié par voie postale, et non par voie administrative, le délai de recours n’est pas opposable, car la notification est irrégulière (CAA Versailles, 6e ch., 21 mars 2019, n° 18VE02782).
Il concerne aussi les demandes de suspension de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire pendant la durée couvrant le délai de recours devant la CNDA ou, le cas échéant, jusqu’à ce que la Cour statue sur son recours (C. étrangers, art. L. 743-3C. just. adm., art. L. 776-2, II).
Selon le Conseil constitutionnel, il ne porte pas atteinte au droit à un recours effectif, même lorsque l’OQTF est notifiée à une personne détenue (Cons. const., déc. 19 oct. 2018, n° 2018-741 QPC).
Il s’agit d’un délai d’heure à heure qui n’est prorogé en aucun cas, ni lorsqu’il expire un samedi, un dimanche, un jour férié ou un jour chômé, ni par le dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle (CE, 22 juin 2012, n° 352388 CAA Lyon, 2e ch., 29 nov. 2016, n° 15LY01284) ni en cas de dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle.
Ce régime n’est ni contraire au droit au recours effectif prévu par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, ni aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 13 de la directive du 16 décembre 2008 (directive « retour ») (CE, 22 juin 2012, n° 352388 CE, 16 août 2018, n° 406424 CAA Bordeaux, 1re ch., 2 nov. 2012, n° 11BX03046).
Le seul fait que le préfet ait commis une illégalité en refusant le délai de départ volontaire, circonstance pourtant déterminante sur le délai de recours, n’a aucune incidence sur celui-ci (CAA Nantes, 1re ch., 27 sept. 2012, n° 11NT03260).
Les obligations de quitter le territoire sans délai doivent être notifiées par voie administrative (C. étrangers, art. L. 512-2). Mais si une obligation de quitter le territoire sans délai est notifiée par voie postale, le délai de quarante-huit heures, qui est irrégulier, n’est pas opposable (CAA Paris, 10e ch., 10 juin 2014, n° 14PA00037).
2) Incidence du retrait du délai de départ volontaire sur le délai de recours : quarante-huit heures :
Le même délai de quarante-huit-heures est applicable lorsque le délai de départ volontaire est retiré par le préfet alors qu’il n’a pas encore expiré (C. just. adm., art. R. 776-2, I, al. 3).
L’intéressé dispose alors d’un délai de quarante-huit heures pour introduire son recours contre l’obligation de quitter le territoire, contre la décision lui retirant le délai de départ volontaire ainsi que contre toutes les autres décisions (refus de séjour, pays de destination et interdiction de retour ou de circulation).
3) Incidence du délai de quarante-huit heures sur l’ensemble des voies de recours :
Lorsque le délai de recours est porté à quarante-huit heures, en raison de l’absence ou du retrait du délai de départ volontaire, l’étranger peut contester l’ensemble des décisions liées à l’obligation de quitter le territoire dans le même délai.
La même règle est applicable aux décisions portant refus de séjour après examen d’office et assortie d’une obligation de quitter le territoire, sans que l’intéressé ait saisi l’administration d’une demande de titre de séjour (CE, avis, 22 juill. 2016, n° 398374).
En effet, lorsque le préfet prend une OQTF sans délai, au motif que la personne s’est maintenu sur le territoire à l’expiration de la durée de validité de son visa ou à l’issue du délai de trois mois s’il en était dispensé, et que cette circonstance fait aussi présumer le risque de fuite, il peut aussi décider, par le même acte, mais dans une décision qui reste distincte de l’OQTF, de refuser le séjour à l’intéressé. Dans ce cas, le refus de séjour prononcé d’office constitue une décision qui peut être contestée dans les mêmes conditions de délai.
Mais le requérant est aussi recevable à contester ces décisions après l’expiration du délai de quarante-huit heures si au moins l’une de celle notifiée concomitamment a été contestée dans le délai. Les nouvelles demandes sont en effet recevables avant la clôture d’instruction (CE, avis, 22 juill. 2016, n° 398374).
NOTIFICATION DES DELAIS DE RECOURS
1) Notification des délais de recours :
Le délai de recours court à compter de la date et, le cas échéant, de l’heure de notification de la décision.
Il appartient à l’autorité administrative de notifier les voies et délais de recours pour qu’ils soient opposables (CE, 19 juin 1992, n° 131641CE, 3 févr. 1999, n° 199101).
La notification par voie postale faite à une personne qui n’avait pas de procuration est irrégulière (CE, 18 janv. 2002, n° 215236). Il en est de même lorsque la notification est réalisée à une mauvaise adresse et qu’il est établi que l’administration avait connaissance de la bonne adresse (CE, 28 janv. 2004, n° 252789).
La notification peut se résumer à l’essentiel, sans qu’il soit nécessaire, pour qu’elle soit régulière, qu’elle précise les modalités des recours lorsque le délai expire un dimanche (CE, 19 févr. 1997, n° 182031) ou l’adresse du tribunal (CE, 21 juin 1996, n° 170131).
En revanche, afin que le droit au recours puisse être effectif, le numéro de télécopie du tribunal doit être précisé dans la notification des voies et délais de recours (CAA Versailles, 13 juill. 2007, n° 06VE02152).
2) Notification erronée des voies et délais de recours :
Pour être opposables, les voies et délais de recours doivent être notifiés et exprimés dans des termes non ambigus (CE, 4 déc. 2009, n° 324284).
Si le requérant a été induit en erreur par la rédaction de la notification de l’obligation de quitter le territoire, la forclusion ne peut pas lui être opposée (CAA Paris, 5e ch., 31 juill. 2014, n° 13PA04374).
Un magistrat désigné a jugé que la mention, dans la notification, selon laquelle le recours devait faire état « d’arguments juridiques précis », alors que le tribunal peut être saisi d’un recours sommaire, et qu’il devait y être joint la copie de la décision attaquée, alors que l’intéressé est dispensé de cette obligation de production, rendait cette notification irrégulière et, par suite, le délai de recours de quarante-huit heures inopposable (TA Toulon, 9 sept. 2019, n° 1903155).
3) Notification dans une langue comprise :
Aucune disposition ne reconnaît un droit à la notification des obligations de quitter le territoire et des interdictions de retour ou de circulation dans une langue que l’étranger comprend ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend.
Ce n’est que lorsque l’obligation de quitter le territoire n’est pas assortie d’un délai de départ volontaire que l’étranger doit recevoir l’information relative aux voies et délais de recours, qui constituent l’un des principaux éléments de la décision, dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend (C. étrangers, art. L. 512-2).